La réponse de Sophie Van Der Linden à Andréa, Jessy et Maëlle de la 2nde C du Lycée Jean Guéhenno

Bonjour,
Et merci à vous, Andréa, Jessy et Maëlle de votre intérêt pour La Fabrique du monde.
Pourquoi avoir choisi le thème du travail en usine et de la Chine pour votre premier roman ?
Je n’ai pas choisi d’écrire un livre sur le thème des usines textiles chinoises. J’ai choisi d’écrire l’histoire de Mei, dans ces quelques jours où son destin vacille. J’ai choisi de donner une voix, une pensée, à l’une de ces ouvrières que l’on perçoit comme une masse laborieuse et que l’on se représente à mon avis trop peu souvent comme des individus qui ont des
rêves, des histoires, des ambitions similaires aux nôtres.
Êtes vous déjà allée dans une usine de textile, comme un auteur réaliste qui fait des recherches avant d’écrire ?
C’est difficile de pénétrer dans ces usines très contrôlées et je n’ai pas spécialement souhaité en visiter. En revanche, j’ai utilisé de la documentation pour connaître les conditions réelles, car si le livre est une fiction, je tenais à ce que les conditions décrites ne soient ni exagérées, ni amoindries. Je suis déjà allée en Chine plusieurs fois, et j’ai rencontré
beaucoup de jeunes chinois. Ces rencontres m’ont permis de forger mes personnages.
Pourquoi avoir choisi d’insérer une romance dans un livre qui parle des difficiles conditions de travail à l’usine ?
Le livre n’a pas pour sujet les conditions de travail en Chine, il raconte l’histoire de Mei. Et je n’ai pas voulu écrire une romance. Simplement une histoire forte, fulgurante, comme on peut en vivre à ce moment de la vie. Je pense que l’amour peut être un vecteur d’émancipation. Dans cette histoire avec Cheng, Mei se retrouve telle qu’en elle-même, se découvre et, quelque
part, s’émancipe.
Ce livre nous a ouvert les yeux sur le travail des jeunes filles asiatiques en usine et nous a marqué car nous avons à peu près le même âge que Mei.
Souhaitiez-vous avec le roman dénoncer le fonctionnement de l’industrie du textile ?
Non, il me semble que bien des documentaires le font avec plus de force. J’avais envie d’aller plus loin, plus profond que la simple dénonciation de ces conditions de travail en évoquant leur impact sur la part intime des individus, leur implication sur la liberté, les perspectives d’avenir, etc.
Visiez-vous un public en particulier avec cet ouvrage?
Ce livre est paru chez un éditeur de littérature générale et je ne tenais pas à viser un public « jeunesse » car je travaille dans le domaine de l’édition jeunesse et tenais à bien séparer mes activités. Mais, ironie du sort, il a été sélectionné dans de nombreux prix lycéens ! Ce qui me réjouis car j’aime beaucoup la manière dont les jeunes parlent de ce livre. Ils ont (vous avez !) une approche très différente des adultes. Plus sensible, je trouve.
Le titre est assez énigmatique, et chacun peut l’interpréter différemment. Est-ce volontaire ? Aviez-vous pensé à d’autres titres ?

« La fabrique du monde » est l’expression consacrée pour parler de la Chine et de sa capacité phénoménale à produire et à exporter ses produits manufacturés dans le monde entier. Le titre n’est donc pas très énigmatique je trouve, au contraire il est presque documentaire. En revanche, il a des résonances. Le terme de fabrique renvoie aux usines du XIXème siècle. Et vous aurez remarqué que l’intrigue est peu datée. Elle pourrait se passer il y a un siècle à quelques détails près. Et le titre résonne aussi au sens de « se construire son monde », car pour moi, ce livre est avant tout un roman
d’apprentissage.
Nous avons vu que vous êtes aussi illustratrice. Pourquoi ne pas avoir fait un roman illustré ?
Je ne suis pas du tout illustratrice ! Je suis critique spécialiste de la littérature pour la jeunesse. Vous pouvez aller jeter un oeil sur mon blog si vous le souhaitez. http://www.svdl.fr.

J’espère que vous avez eu toutes les réponses souhaitées. N’hésitez pas dans le cas contraire.
Belles lectures, et belles discussions sur la sélection.
Bien à vous,
Sophie Van der Linden


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